La vraie vie à l’école

Philippe Lacadée est un psychiatre psychanalyste français, spécialiste de l’enfance, de l’adolescence et de l’éducation.

La vraie vie à l’école

Conférence à l’Institut Français - Athènes - Mai 2014

Arthur Rimbaud parle des souffrances modernes de l’adolescent. En effet l’adolescent est toujours moderne d’être en phase avec ce qui s’agite dans son corps et sa pensée. C’est l’éveil de sa puberté, venant faire effraction comme réel dans son corps. Il y a une tension entre la pulsion immédiate qui pousse à vouloir jouir et l’idéal, toujours médiatisé car soutenu par la fonction de l’Autre. Le mathème de la modernité ironique (a > I) est aussi celui de l’adolescent.


Photographies : Lycée Artistique d’Héraklion en Crète - Avril 2014
Rencontre artistique avec les élèves du collège Guy Flavien - Paris 12
Projet : « Au bout du monde » filmé en Crète avec les élèves.
@ Philippe Troyon


Mon livre parle des professeurs parfois confrontés chez certains élèves à cette tension et à la réalité d’une langue porteuse d’exclusion et de ségrégation.
Ainsi, les professeurs et les éducateurs sont parfois face à l’innommable de l’insulte et de la provocation, sans pouvoir opposer la possibilité d’un dire, ou d’un acte. La question de l’adolescence en devient politique : qu’est-ce que le monde pratiqué, vécu et examiné à partir de la différence et non à partir de l’identité, voire de l’identique ? [1]

Le poète Rimbaud incarne une certaine errance de l’adolescence en quête d’un lieu où construire le lien d’une langue. « Moi pressé de trouver le lieu et la formule », il doit trouver une langue. Aujourd’hui les adolescents, de plus en plus pressés, mettent à mal un certain usage de la langue et de l’autorité.

Notre modernité ironique

En 2014 la réponse à la question de l’autorité ne se pose plus dans les mêmes termes qu’en 1914 à l’époque de Freud. De même, le savoir que doit transmettre le père ou son substitut, le professeur, n’est plus à la même place.

Les désirs de l’enfant sont transformés en impératifs de jouissance qui répondent à la gourmandise de son surmoi, sans qu’il apprenne à savoir demander à l’Autre. Il veut tout et tout de suite, comme s’il savait ce qu’il voulait. Le monde de la consommation anticipe les désirs de l’enfant, transformés en besoin de satisfaction immédiate. L’enfant est de plus en plus instrumentalisé : un enfant client, consommateur accédant très vite à la notion de propriété privée.[2]

Il devient incapable de supporter le manque, de nommer ce qu’il désire .[3] Sa télécommande à la main, l’enfant branche son corps pulsionnel directement sur la machine. Il se trouve en proie à un surmoi féroce, où bien et mal s’équivalent, qui le pousse à vouloir jouir de tout.

Les adultes n’y peuvent pas ou plus grand chose.[4] Ainsi l’enfant se trouve réduit au silence de l’objet qui a pris la commande de son être en venant complémenter son manque à être et son manque d’objet. L’informatique a remplacé le livre et sa part de rêve, et sa fonction à engendrer l’imaginaire et la création. La fenêtre qui faisait rêver Rimbaud est devenue virtuelle. L’enfant est directement branché sur un monde immédiat, ce qui rend difficile à l’école l’intervention de l’Autre. Le drame paradoxal de l’humain est là : l’enfant a accès à un monde virtuel sans rencontrer la présence désirante et énigmatique de l’Autre, débarrassé du complexe du prochain ,[5] celui qui est là, tout proche, présent pour dire ce qui est recommandable ou pas, ce qu’il faut faire ou pas .[6] L’enfant tout seul est livré au monde de tous les possibles, avec une imagination en prise directe sur l’image virtuelle.

L’époque actuelle a donc imposé son langage binaire de la modernité ironique, celui où l’objet de consommation est devenu plus important que l’idéal de transmission de valeurs symboliques. Notre hypothèse est que ce langage uniforme et standardisé est en train de modifier l’usage de la parole et de la langue du sens dit commun. Ainsi le sujet dans cette délicate transition de l’adolescence éprouve « la crise de la langue articulée à l’Autre du savoir »[7]

Le professeur se trouve dans un face à face inédit avec l’adolescent consommateur, voire addictif, habitué à se satisfaire de ses sensations immédiates en se branchant sur l’Autre de la machine. Il obtient des ersatz de connaissances qui lui sont offerts gratuitement et sans bouger depuis un écran d’ordinateur. Le professeur n’est plus le seul par qui le savoir arrive, diffracté par mille canaux. Ceci entraîne des modalités de réponses différentes et des conséquences inédites sur la formation de nouveaux symptômes. Ainsi le refus scolaire ou la mise en place de pratiques de ruptures mettent en échec la fonction de la rencontre « de point d’appui » du professeur.


La fonction de l’école comme point d’appel de la parole pour faire vivre la langue.


La langue que parlent certains adolescents de la cité, je l’ai appelée la langue de l’authenti-cité.[8] Ils parlent ainsi car ils se veulent authentiques, et entendent jouir de la langue comme ils le veulent.[9] En effet, si la fonction du langage est d’appareiller la jouissance de l’être,[10] en même temps elle lui offre la possibilité de trouver dans les mots une jouissance de la langue.[11] L’école, par la promotion d’une certaine utilisation du langage, devrait être le lieu où se rejoue pour chacun ce qui fait la base du lien social, soit la fonction d’appel à l’Autre. Pour nous, le langage se structure essentiellement sur sa fonction d’appel et d’articulation à un Autre.

L’insulte, elle, vise plutôt la rupture du lien à l’Autre, sauf si on la prend comme Lacan, qui dit de l’insulte qu’elle est au dialogue « le premier mot comme le dernier », ou le début de la grande poésie. Quand on insulte l’autre c’est en fait son être d’objet indicible que l’on vise, comme si on provoquait la langue à la façon du poète, pour qu’elle en dise plus.[12]

Arthur Rimbaud, parlant de l’enseignement et de la transmission du savoir à son professeur de rhétorique [13] , dit que l’on serait dans « la vraie vie » en suivant sa propre voie et en refusant ce qui, à l’école, mortifie cette « vraie vie », soit ce qu’il nomma « la poésie objective »[14] , qu’il ne put loger dans le discours établi par l’école. Dans la « poésie subjective » enseignée à l’école, le signifié ultime, la référence unique était ce Dieu responsable de toute la création, qu’il rejetait, lui préférant son « dérèglement de tous les sens », d’où il prenait point d’appui pour créer, au-delà de toute garantie de l’Autre, sa poésie objective.

Freud dit que l’école ne doit pas « vouloir être plus qu’un lieu où l’on joue à la vie »[15] . C’est ce que j’ai appelé faire tourner l’usage du sujet ,[16] en faisant attention non pas au langage comme communication, qui n’a jamais été l’essentiel du langage, mais à ce qui se véhicule de jouissance dans l’usage du langage, soit la jouissance des mots, comme une « Vie éprise de parole ». Le professeur n’est pas là essentiellement pour enseigner un savoir mais pour faire valoir l’usage de la langue articulée qui véhicule justement le savoir.

« Le véritable pouvoir – le seul ? – du professeur, c’est celui de fabriquer sa classe. Qu’on nous l’enlève et nous sommes réduits à néant. Mais comment y parvenir quand je ne lis plus rien dans les yeux de celui qui me fait face ? » [17]


Dette symbolique ravie et insécurité langagière.


Pour certains adolescents, l’école est devenue un lieu discrédité, porteur d’une humiliation possible, sans espoir d’un avenir où ils puissent loger quelque chose de leur destin. C’est ce que m’a appris Karim, lorsqu’il m’a dit lors d’une séance qu’il « était humilié par personne interposée »[18] en m’expliquant les conséquences pour lui de l’échec social de ses propres parents. Son père, qui est au chômage, « pue la défaite, il ne ramène pas le pain à la maison. » [19]

De nombreux parents vivent par ailleurs l’école comme un lieu de subversion offrant à leur enfant un savoir et des habitudes qui pourraient l’amener à humilier, voire à rejeter ses propres parents. L’insécurité langagière pousse ceux-là à rejeter l’école de façon désespérée, Pour aborder sereinement cette insécurité langagière, et déjouer la provocation ou la violence de l’injure, il faut savoir créer des lieux de conversations pour faire vivre le langage de ceux pour qui il est trop figé ou pris dans des positions de certitudes défensives.


« Je n’ai pas été formé pour ça ».


« Mais jusqu’où peut-on aller ? » Souvent entendue, cette question signe une position en impasse voire un impossible à professer. « On est là pour transmettre un savoir, mais justement quand on sort de notre rôle d’enseignant, et qu’on les écoute, où faut-il s’arrêter ? »[20] Une professeure atteinte dans ce qu’elle est en tant qu’être par le récit douloureux d’une de ses élèves montre comment elle a été touchée dans son corps. Ce phénomène fait dire à Catherine Henri que les professeurs sont des écorchés vifs : « Le corps enseignant n’a pas de vapeurs, il a la peau à vif. »[21]

Certains professeurs disent aussi : « Je n’ai pas été formé(e) pour ça. »[22] Ce ça n’est pas sans lien avec celui dont parle Lacan dans une phrase de « Télévision »[23] où il évoque ce réel en jeu propre à chacun, cette part de hors sens liée au désordre pulsionnel. Ce ça qualifie souvent ce qui se dit de la violence des jeunes dans certains établissements, les disparités linguistiques auxquelles ils sont confrontés : les ravages du retour du religieux mais aussi la télévision, les jeux électroniques qui les isolent. Ces enfants sont comme désaccompagnés de la présence de l’Autre, et du fait de leur précarité symbolique, sont les plus exposés à se retrouver seuls face à ce réel propre à chacun que Lacan, grâce à Freud, a fait valoir comme ce ça. Ce ça, c’est ce désordre pulsionnel, où la pulsion de mort semble de plus en plus déborder les sujets au point de les produire comme sans limites, sans bords, sans Autre. Ils usent alors d’une langue qui ne s’articule plus à l’Autre, qui ne les aide pas à prendre place dans les lieux de l’école.


Comment comprendre les comportements des adolescents ?


Telle est la question que me posent souvent les professeurs que je rencontre [24] . Freud, dès 1914, dit que pour bien saisir le comportement du lycéen, il faut s’interroger sur ce qui s’est passé pour lui dans « la chambre des enfants et dans la maison familiale ». Ce sont les lieux où l’enfant se construit avec ce qu’il y a de plus intime et singulier pour lui. Le moment de la rencontre avec les premiers objets d’amour et d’identification est le lien fondamental de son existence. Freud précise ce n’est pas pour autant qu’« on ne saurait l’excuser non plus »[25] , il a sa part de responsabilité.

La psychanalyse appelle ambivalence la disposition qui pousse certains adolescents à adopter un comportement contradictoire vis-à-vis des professeurs. Les professeurs, dit-il, ont à assumer un héritage sentimental : ils rencontrent des sympathies et des antipathies auxquelles ils n’ont eux-mêmes que peu contribué.

L’adolescent apprend à critiquer son père, il devient mécontent de lui et lui fait alors habituellement payer cher la déception que celui-ci lui a causée. C’est ce processus qui le conduit à se détacher de ce premier idéal qu’est le père. Il regarde ailleurs, « pressé de trouver le lieu et la formule »[26] pour y loger « la vraie vie ». Puisque les professeurs sont un substitut paternel, les adolescents traitent leurs professeurs comme leurs pères et leurs adressent l’ambivalence acquise à la maison et dans la famille. Dès lors « nous luttions avec eux comme nous étions habitués à lutter avec nos pères selon la chair ».


Du point d’où au point d’appui du symptôme.


L’enseignement secondaire, comme l’affirmait Freud, « doit faire plus que ne pas pousser les jeunes gens au suicide ; il doit leur donner envie de vivre », et pour cela il doit leur fournir « appuis et repères en une période de la vie où ils sont contraints par les conditions de leur développement à desserrer leurs liens avec leur maison parentale et leur famille ». [27]

Freud précisait que l’on ne doit pas oublier le respect de la particularité du symptôme de chacun, ce qu’il désignait de belle façon comme ce qui, de l’individu, « n’est pas encore mûr ». [28] Pour Freud, l’élève a le droit, même à l’école, de s’attarder dans ce qui, de son développement, est encore « peu réjouissant ». Freud est très précis lorsqu’il nous dit ce qui en l’école trouve sa limite, et qui nécessite de savoir ce que l’on y fait, surtout d’ailleurs le professeur. L’école ne doit pas « revendiquer pour elle le côté impitoyable de la vie ». Elle doit juste permettre, dit-il, d’offrir « un lieu où l’on joue à la vie. » Si Freud nous invite, ici, à ne pas reculer devant le « peu réjouissant » qui est sa version du symptôme, il nous incite aussi à la prudence, en redonnant toute sa place, à l’école, justement au symptôme de l’enfant mais aussi à l’impact de la présence du professeur.

À nouveau se pose, ici, la question : « Jusqu’où peut-on aller ? », sans oublier son corollaire : « on n’a pas été formé pour ça. » Jusqu’où doit aller le professeur dans ce qu’il peut apprendre de ce qui fait la particularité de chacun de ses élèves, et ne risque-t-il pas de devenir l’objet lui-même d’un transfert qu’il ne pourra plus maîtriser ?
C’est au symptôme, qui semble ne pas avoir sa place à l’école, que Freud demandait déjà d’accorder la plus grande attention. Mais Freud était clinicien, ce que ne sont pas les professeurs. Même s’il fait attention aux souffrances de certains de ses élèves, le professeur doit savoir qu’il y a une part de la vie de ses élèves qui doit être entendue ailleurs. Il peut juste offrir sa présence extérieure, mais familière, pour aider son élève en difficulté à nommer lui-même une partie de son symptôme pour, après, l’orienter vers une solution plus personnalisée à l’extérieur et dans un lieu spécialisé. Nous devons savoir accueillir au mieux ces adolescents qui ne marchent pas comme le voudrait le monde de l’évaluation et qui ont pourtant une intelligence vive.

C’est à cela qu’a répondu, pour une large part, la pratique des conversations à l’école que nous avons mise en place. Dire oui au symptôme et non à l’usage de jouissance solitaire que le sujet en fait, le reconnaître comme un point d’appui pour réinventer sa place dans l’Autre : c’est dire oui à l’élément de nouveauté qu’il incarne, mais il faut aussi savoir bien dire non soit à dire nom c’est-à-dire l’aider à nommer lui-même son symptôme ou sa souffrance pour ensuite l’aider à le border à tirer un bord, une limite à l’usage nocif de jouissance qu’il peut en faire.


Le rapport de chacun à l’impitoyable et la présence des professeurs.


Dans mon livre, je montre la façon dont l’école peut s’inclure, en tant que lieu nouveau et inédit sans cesse à inventer, dans la réponse qu’il lui faut construire pour et avec chaque enfant. Freud met en évidence toute la pertinence qu’il y a à faire usage d’un pari plutôt centré sur la particularité du symptôme de chacun, face non plus au malaise de l’école mais à son impasse. Lacan a souvent rendu hommage à Freud qui, en inventant la pulsion de mort, a su donner à la jouissance, autre nom pour Lacan de la pulsion de mort, la place centrale que cette jouissance occupe dans l’histoire des communautés humaines. Freud clinicien, en discutant de cas précis, démontre comment les questions de l’échec scolaire, de la violence ou du suicide des collégiens ont des incidences en termes de nouvelles élaborations cliniques. Il dégage là, pour la psychanalyse en intension, un nouveau problème à résoudre, inclus dans un nouveau projet clinique auquel Lacan donnera toute sa valeur : soit la pulsion de mort et la question éthique de la jouissance.[29]

Ce que je nomme La vraie vie à l’école doit prendre en compte cet apport de la psychanalyse : s’orienter non pas à partir de l’identification, toujours trop idéalisant, de ne vouloir produire que du bon élève, mais à partir de ce qu’il peut y avoir du « peu réjouissant », de ce qui ne va pas, là où se laisse entendre la mise en jeu de la dimension de la pulsion et de l’objet.

À l’heure actuelle, l’enseignant ne peut plus se ranger sous le seul signifiant de vouloir faire le bien. Il doit maintenir la vérité de la dimension pulsionnelle, du fait justement de la chute des idéaux culturels et sociaux qui soutenaient auparavant le sujet dans sa présence au monde. À méconnaître les traits subjectifs particuliers d’un tel, à vouloir trop le traiter comme les autres, on renforce son auto-exclusion contre tous. Le maître a les moyens, à condition de ne pas les méconnaître, de rétablir des distinctions subjectives qui produisent pour le sujet un effet anti-ségrégatif. C’est ce qui se vérifie dans les nombreuses conversations, telles que je les ai pratiquées dans les écoles avec les adolescents et les professeurs dans le cadre des laboratoires inter-disciplinaires du CIEN.

C’est une des façons de dire oui au peu réjouissant et à l’immonde. Mais ces conversations produisent aussi le « desserrage des identifications »[30] , comme une façon de dire non à la place qu’il entend occuper en faisant mauvaise usage de son symptôme, introduisant du jeu dans la vie identificatoire du sujet.


À quoi ça sert le savoir.


Ne pas consentir à en passer par le savoir scolaire, qui peut avoir valeur émancipatrice et vertu d’arrachement au pathos individuel et à la souffrance moderne de certains adolescents, précipite, de façon paradoxale, certains sujets dans une impasse qui redouble leur insécurité langagière .[31]

Pour saisir l’enjeu de ce paradoxe, illustrant l’impossible de l’éducation, il est nécessaire de revenir sur la structure du langage, soit l’articulation signifiante entre deux signifiants, qui est à la base de toute identification du sujet. Cette structure du langage, même si elle est le véhicule du sens dit commun est fondamentalement insécurisant, de comporter en son cœur un trou, un espace vide entre deux signifiants, équivalent d’une perte de valeur de jouissance. Un mot tout seul ne signifie rien : pour qu’il puisse trouver un sens, il lui faut s’articuler à un autre mot qui, en lui apportant un savoir, délivre au sujet en retour, un sens, non sans qu’il ait consenti à la perte de jouissance du mot tout seul.

Lacan insistera à la fin de son enseignement pour dire que le sens dit commun n’existe pas, et faire valoir combien le langage qui se fonde sur le signifiant tout seul – qui n’a aucun sens ou les a tous – a surtout aussi pour le sujet une valeur de jouissance qui fera le lit d’une pensée solipsiste dont il ne voudra pas forcément se séparer. Pour le sujet, c’est une bulle narcissique, car elle lui assure une certaine sécurité, ce qui l’amène à refuser l’ouverture dialectique à l’Autre. Pour se séparer de la valeur incluse dans la pensée de ce signifiant tout seul, il faut consentir, non sans une certaine perte, à s’orienter vers l’Autre, à s’articuler à l’Autre, soit à en passer par son désir, ce qui, pour certains, parfois, est trop insécurisant.[32] L’enjeu est donc de faire entendre à ces sujets, qui s’enferment sur leurs positions solipsistes en refusant la langue articulée, combien, malgré la perte de jouissance qu’elle entraîne, la langue, dès l’instant où elle s’articule à la langue de l’Autre de la signification possible, peut offrir aussi, de façon paradoxale, la jouissance d’un savoir inédit. C’est là l’ouverture à La vraie vie à l’école comme le lieu où l’on apprend à jouir d’un savoir nouveau dans un jeu de la vraie vie de l’esprit. Et c’est là où se joue pour le professeur son désir de transmission.

Pour cela, celui qui est en position d’enseigner ne doit rien céder sur son désir de transmettre les savoirs, jusqu’à inventer, souvent au cas par cas, la stratégie la plus efficace pour extraire le sujet de l’impasse de son solipsisme.


À quoi ça sert de ne pas savoir ?


Le professeur ne doit pas lâcher, pour son élève, sur la façon et l’usage de bien dire ce que l’on est et ce que l’on ressent, afin de rompre l’isolement de la souffrance. Ainsi seulement il peut permettre à l’élève de se dégager de la lettre en souffrance, de la posture infantile de celui qui se croit le centre du monde et ramène tout à lui. L’école ne remplit sa mission que si elle ouvre, de façon exigeante, chaque élève à l’altérité et fait éclater son repli narcissique, sa posture de jouissance qui, de façon paradoxale, l’enferme à son insu et l’empêche de s’articuler à un autre savoir qui lui servirait à oublier ce qu’il est.

L’élève qui demande « à quoi ça sert ? »[33] Il pense qu’il sait, qu’il a la vérité de son être, et cela peut le conduire à l’errance d’abord dans la langue puis au-dehors. J’ai déjà parlé de la langue de l’authenti-cité qu’il pense détenir, d’où il déduit que c’est lui qui sait et que la langue de l’Autre, celle qui véhicule un certain savoir, celui de l’école ou de l’université, n’est pas de son temps à lui, n’est pas de son actualité. Or les choses existent en-dehors de lui, l’univers n’est pas organisé pour satisfaire les pulsions de l’adolescent à l’état brut, ce qui nous réunit comme participant à la civilisation du monde échappe pour chacun à ses petites croyances personnelles.

Cependant Freud a introduit au XXe siècle la notion qu’il y avait un savoir de l’enfant, souvent une petite théorie sexuelle infantile lui expliquant le monde, qu’il est le seul à posséder, et qui est souvent la source de son symptôme ou de ses troubles : raison de plus pour respecter ce savoir et en accueillir les expliques. Ce savoir inconscient est souvent la source de problèmes singuliers qui phagocytent le psychisme entier de certains élèves, ce qui les rend absents ou bien les conduit à refuser tout savoir abstrait transmis à l’école. Face à un monde qui ne sait plus que leur promettre ni même quel futur leur proposer, certains adolescents s’enferment dans leurs questions et se fabriquent une vie mentale qui, quoique douloureuse, leur sert de refuge face à toute demande scolaire classique.

« À quoi ça sert ? » est un dit, un énoncé souvent utilisé de façon provocante pour rester confiné dans son ignorance, une des passions de l’être. Catherine Henri fait valoir que seule la réponse valable serait : « À quoi ça sert de ne pas savoir ? » [34] , permettant de se donner la possibilité d’examiner le niveau du refus, qui est toujours singulier.

D’où l’importance de la présence du professeur qui vient occuper et rendre vivante cette place du savoir. Bien sûr, l’enseignant doit savoir mettre de l’enthousiasme, de la vie, dans la transmission de son savoir, mais il doit également trouver comment faire le pas de côté nécessaire pour, au-delà de cet enthousiasme, faire entendre à l’élève en difficulté qu’il est animé d’un désir de le rencontrer, pour lui offrir ce savoir à partir de là où il en est, lui, cet élève. Plus il manifestera que là est la cause de son désir, plus l’élève fera de lui le destinataire d’un désir de savoir. C’est ce désir de transmettre qui peut amener l’élève à se vêtir des valeurs du professeur. Le sujet résiste à devenir cet élève qui apprend. Mais cette résistance peut aussi venir du professeur, qui se retrouve ainsi en insécurité langagière ; son discours tournant à vide lorsqu’il ne saisit pas qu’à notre époque, la façon de s’inscrire dans la langue dite du sens commun a changé pour certains jeunes. [35]


Faire face à cette autre résistance


La part négative de tout être humain est celle qui peut mener l’élève à penser qu’il est un zéro [36] , si on le laisse tout seul à refuser l’Autre. Cette question du refus est essentielle, car certains jeunes, peu assurés dans la langue, sont pris alors dans un corps à corps. Ce qui prévaut dans ce cas est le rapport à l’image, à l’autre dans une captation imaginaire : ces jeunes se trouvent pris dans l’axe du regard, mais aussi bien dans l’axe de la persécution de la voix de l’autre. Ils perçoivent, dans le mot et l’expression de l’autre, une intention qui les humilie ou les maltraite.

Certains enseignants parlent de rapport de force épuisant, ou même d’état de guerre, d’autres décrivent comment cette violence ordinaire peut amener à la formule guerrière « tuer ou être tué » ; ce sont alors deux résistances qui se font face.
Or, ni l’élève, ni l’enseignant ne peut rester seul face à sa résistance, qui conduit certains élèves à la désertion scolaire et certains professeurs à la dépression ou au désintérêt de leur action.

Nous avons créé, au collège Pierre Sémard à Bobigny, à la demande de son principal, un lieu de conversation inter-disciplinaire [37] , Le Conseil des enseignants, où les professeurs peuvent témoigner des points d’impasses qu’ils rencontrent, et de comment ils « savent y faire » avec leurs inventions ou leurs bricolages face à certains élèves. Ils témoignent aussi à propos de leur travail dans leurs classes[38] de la façon dont ils contribuent à « apporter du nouveau », un savoir nouveau élaborable à plusieurs sur cette désinsertion scolaire .[39] Cela permet d’inviter les professeurs à ne pas hésiter à se décaler par rapport au programme préétabli, afin de faire connaissance, au-delà de l’élève, avec le sujet de la parole qui déploie sa biographie orientée par le réel de sa souffrance .[40]

Amorce d’un effet sujet, ce temps de conversation vise les possibilités d’offrir au sujet-élève une réconciliation avec le savoir, donne l’occasion d’attraper un petit fil de travail avec lui en tentant de retrouver ses signifiants maîtres identificatoires, et de repérer la localisation de ses difficultés. Il s’agit de savoir établir l’exigence éducative en fonction de là où en est l’élève. Ces échanges permettent aux enseignants en difficulté de ne plus être seuls face à un métier qui est autant de désir que de savoir. Dans la conversation, nous soutenons que la parole a encore une efficacité sur le réel de la souffrance, permettant aux sujets de ne pas abandonner leur vie, même précaire, entre les mains de quelque figure du destin.

Une marge de liberté de choix et de changement possibles existe malgré les nécessités qui déterminent l’existence, offrant du nouveau sur le refus scolaire aussi bien des élèves que des enseignants exténués .[41]


Ce qu’il veut faire quand il éduque.


Même à l’époque d’internet, nous devons parier sur l’école et sur la présence humaine et vivante des professeurs. D’ailleurs est-ce si sûr que certains adolescents rejettent leurs professeurs ou l’école ? Ne réclament-t-ils pas plutôt des professeurs qu’ils soient Présent ?, mais d’une façon plus authentique, plus vraie, sans se contenter d’appliquer un programme. Seul le professeur peut dire « oui » à l’élément de nouveauté que porte en lui l’adolescent. « Peut-être qu’aujourd’hui l’école est là pour que l’humain arrive et c’est une mission formidable. Pourquoi rabaisse-t-on toujours l’humain ? »[42]

L’école est le lieu où le sujet peut ne pas trouver le jeu nécessaire à la vie de son esprit. Là peut se loger le signe d’une souffrance de l’être qui se calcule dans une jouissance qui, d’être indicible, n’en est pas moins visible ou éprouvée soit par l’élève, soit par « les corps enseignants », selon l’heureuse expression d’Arthur Rimbaud.
Jacques Lacan, dans une conférence de presse, à Rome, le 24 octobre 1974, publiée dans Le Triomphe de la religion ,[43] parle de la nécessité qu’un professeur sache ce qu’il veut faire quand il éduque. Ainsi être responsable de sa classe pousse le professeur à réfléchir sur ce qu’est éduquer. Si pour Lacan l’homme fait son éducation tout seul, il faut qu’il apprenne quelque chose, qu’il en bave un peu.

« Or l’enseignement existe. »[44] , Lacan disant qu’il faut, dans l’enseignement, « dépasser les capacités mentales de l’enfant par des problèmes les dépassant légèrement »[45] . C’est là qu’on obtient, en aidant seulement à aborder ces problèmes, non simplement « un effet de hâte sur la maturation mentale », mais de « véritables effets d’ouverture, voire de déchaînement ».[46] Lacan, en 1963, va nouer de façon précise la notion de concept à celle de puberté,[47] tout en prenant appui sur cette maturation qu’il ne récuse pas, se référant aux auteurs qui l’appellent « le moment-limite-conceptuel », et qui, selon lui, « pourrait recevoir un tout autre repérage, en fonction d’un lien à établir de la maturation de l’objet a, tel que je le définis, à l’âge de la puberté. ». Il rejoint par là ce que disait Freud sur le fait que l’école reçoit des sujets « qui ne sont pas encore mûrs, et auxquels on ne doit pas dénier le droit de s’attarder à certains stades du développement, y compris peu réjouissants. » Il revient alors à l’école de ne pas négliger ce que peut lui apporter le discours analytique, soit reconnaître la valeur de cet objet a qui, s’il peut pousser à construire le désir du concept chez l’élève, peut aussi causer sa jouissance « peu réjouissante » à ne pas lâcher son être d’objet, ou son savoir intime qui ne veut pas se développer plus, voire en savoir plus.

La psychanalyse peut ainsi éclairer une certaine part de ce qui fait obscurité pour l’être humain et ses proches. Le professeur, une fois repéré le lien de discours possible, le point où l’enfant veut s’attarder, doit savoir faire le pas en avant, amorcer un mouvement, se déplacer dans le temps et devancer l’enfant en lui offrant « des problèmes qui le dépassent légèrement ». On saisit là combien l’échange entre le professeur, pris de par son métier dans un certain impossible d’éduquer et le discours que lui offre le psychanalyste, peut éclairer son métier s’il consent à entrer en conversation avec le psychanalyste, chacun bien sûr restant à sa juste place. En retour, le psychanalyste apprend beaucoup sur ce que disent ou vivent ces jeunes, et aussi sur ce qu’ils inventent entre eux ou tout seuls. Là, dans ces lieux de vie, de mise en mouvement de la vie de la parole, se fait jour la version moderne non plus du malaise dans la civilisation mais de ses points d’impasse, et le psychanalyste peut s’y enseigner de la place des nouveaux symptômes ou des modalités de jouissance souvent obscures et nocives.

« Il y a un minimum à donner pour que les hommes soient des hommes, et cela passe par l’éducation. »[48] , dit Lacan, et aussi : « Il faut une certaine éducation pour que les hommes parviennent à se supporter entre eux. [49] »
Il s’agit aussi de savoir offrir une médiation possible, avec la notion de prendre son temps, notion de ce que c’est que le temps – là où le sujet veut tout, tout de suite. Introduire de la temporalité à l’école ne va pas sans penser la rencontre avec le travail scolaire comme un accompagnement de ce moment de délicate transition qu’est l’adolescence. Savoir s’asseoir en compagnie de l’enfant et de l’adolescent afin de faire valoir une position exigeante où le sujet saura qu’il est attendu. Et en même temps proposer un savoir scolaire lui donnant l’idée qu’il peut contribuer de sa place, à une culture scolaire vécue comme une participation à ce que les hommes ont élaboré de plus élevé dans la civilisation, comme le disait Freud.


Un lieu de conversation au collège sur ce qu’est éduquer.


Le Conseil des enseignants du collège Pierre Sémard est un lieu de conversation et de recherche à plusieurs sur ce qu’est éduquer. Lors de ces conversations avec des professeurs où se mettent à ciel ouvert l’angoisse du professeur, son impasse, ou son invention. Ainsi dans ce lieu, le professeur peut formuler ce qui lui arrive et mieux le saisir. Ces conversations ne proposent pas une conclusion précise à établir orientée par une décision à prendre, elles peuvent rester ouvertes sur le sentiment de quelque chose d’inachevé, elles n’offrent pas le confort définitif de l’achèvement.

Ainsi la conversation devient-elle le lieu où chaque intervenant s’inscrit dans un espace de vie de parole, nécessaire à la vraie vie à l’école. L’essence d’une telle conversation entre professeurs, qui part non pas de l’idée, d’une évaluation, d’une efficacité idéale, mais d’une sorte de mouvement qui est initialement comme un désir, une inspiration, un appétit, a pour fil conducteur le temps plutôt que l’espace. C’est le temps qui doit être d’abord conquis pour ensuite se traduire dans une sorte de déploiement de l’espace. On part d’une impulsion, qui est la vie même.

On part de ce que l’on pourrait appeler le désir d’enseigner, pour suivre la pente temporelle de ce désir qui occupe progressivement l’espace. Ce mouvement de la vie du désir se met particulièrement en évidence dans ces lieux, souvent à la surprise de celui qui prend la parole et n’est pas sans conséquence dans la façon dont chacun repart après fabriquer sa classe, animer d’un souffle nouveau.


Un pari de construction d’un Lieu fondé sur la rencontre de la présence du professeur.


Il s’agit de mener l’enfant de sa position symptomatique, du lieu en impasse où il court-circuite sa relation à l’Autre, en se mettant « hors-circuit », tout en s’abritant derrière « un ça sert à rien », « ça m’ennuie », sur le chemin d’un mouvement de vie de parole l’intégrant dans un circuit plus long à l’intérieur duquel il puisse trouver, voire mieux formuler sa question en impasse : « À quoi ça sert ? » Dans ce Lieu nouveau, toujours à inventer dans la particularité de sa question, il trouvera de quoi surprendre et (se) laisser surprendre, ce qui lui permet de changer de position subjective. Dans ce lieu où trouver place d’élève, ouvert à l’être de l’autre, peut être possible, doivent aussi être créées les conditions pour que soit fait place au sujet enseignant inventif plutôt que reproducteur, artiste autant qu’artisan.

Philippe Meirieu remarque que c’est le caractère artisanal du travail intellectuel qui manque aux adolescents en classe. « Rien qu’ils puissent empoigner pour prendre pied et se dégager du chaos intérieur qui les habite.[50] » L’éducation est tendue vers des contenus, des choses qu’on peut apprendre, mais ce ne sont pas ces choses-là qui constituent l’essentiel de l’expérience. L’expérience de l’appropriation du savoir passe paradoxalement par la mise en mouvement de la vie, c’est-à-dire « le temps en nous, qui est essentiellement non-savoir. »

Heinz Wismann y voit la raison pour laquelle Platon, après avoir enseigné son système à l’Académie, a décidé ensuite de publier sa remise en question sous forme de dialogues, de mimodrames. « En effet, les dialogues platoniciens ne sont pas simplement une propédeutique à sa théorie systématique enseignée à quelques élus, mais remettent en jeu, les rendant de nouveau fluides et incertaines, les certitudes enseignées.[51] »

Pour trouver des ouvertures possibles permettant aux élèves de désirer à nouveau le savoir, il est important que le professeur consente à leur laisser, dans sa classe, une part de responsabilité pour qu’ils apportent leurs petites inventions. Il s’agit donc d’une école de construction de la différence, basée plutôt sur la rencontre et l’amour de l’être de l’autre que sur celle d’une expérience de simple transmission. Vivre une épreuve du point de vue de la différence doit être ce qui est en jeu à l’école. Il est peut-être plus qu’autrefois nécessaire que chacun soit reconnu dans sa particularité, dans son mode singulier de jouissance, tant pour les élèves que pour les enseignants.

Aujourd’hui l’école se trouve face à deux enjeux fondamentaux : rendre les élèves plus présents aux professeurs dans ce moment de rencontre avec la transmission du savoir, et aussi les rendre plus responsables dans ce Lieu de construction de la vie qu’est l’école. Cela ne peut se faire actuellement sans que l’école retrouve sa fonction essentielle de lieu de mise au travail au un par un, afin de construire à partir de l’Un pour aller vers le deux, soit passer de l’identité à la différence. Grâce au savoir qui s’y transmet par la présence exigeante des professeurs, l’école doit être le lieu où chacun apprend à savoir y faire au mieux avec les choses essentielles, voire impossibles, de la vie.

Cet apprentissage suppose de prendre en compte la dimension des autres et du collectif, ce que peut proposer un principe de conversation, en parlant avec eux afin qu’ils se parlent ensemble, et surtout s’entendent parler – sorte d’initiation à la vie civique afin qu’il deviennent dans l’école acteurs d’une formation à la citoyenneté, et non plus acteurs de leurs drames. J’ai proposé de parler d’une civilisation de l’injure. Ce n’est pas un préalable, mais le signe que le langage a tourné dans la classe, que les élèves ont consenti à abandonner une part de leur jouissance immédiate de ce « stade peu réjouissant » pour le savoir dont ils pourront se réjouir, et que les enseignants ont consenti à ne pas tout savoir.

Philippe Lacadée
Conférence à l’Institut français à Athènes le Vendredi 9 mai 2014.


REFERENCES >

Photographies : Lycée Artistique d’Héraklion en Crète - Avril 2014
@ Philippe Troyon

1 - Badiou Alain, Éloge de l’amour, Flammarion, 2OO9, p 26
2 - Pennac Daniel, Chagin d’école, Gallimard 2OO9., p 287.
3 - Zeh, Julie,La fille sans qualité Actes Sud,2007, p 12 3 Nous décrit très bien combien ces adolescents veulent tout tout de suite, « seul le temps est la seule chose qui manque aux hommes. »
4 - Pennac, D, « Il y a là une telle confusion qu’aimer son enfant a été remplacé par aimer ses désirs qui en fait sont des besoins de satisfaction, lesquels s’expriment comme des besoins vitaux. Pour l’enfant, les preuves de l’amour passent par l’achat de ses objets. » op., cit., p 288
5 - Nebemmesch, Freud Sigmund, Esquisse pour une psychologie scientifique, Naissance de la psychanalyse, PUF, 1956. p 337. Freud entend par là la personne secourable apportant une aide extérieur.
6 - Miller J A, L’invention psychotique, in, Quarto 80/81, Revue de psychanalyse publiée à Bruxelles, Ecole de la cause freudienne, p 6. « La bonne éducation, c’est pour une bonne part l’apprentissage des solutions typiques, des solutions sociales pour résoudre le problème que pose à l’être parlant le bon usage de son corps et des parties de son corps : avec celle-ci, il faut faire ça, avec telle autre, il ne faut pas faire ça. »
7 - Lacadée Philippe, « Adolescence : La crise du langage », in Quarto 93, Revue de psychanalyse publiée à Bruxelles, Ecole de la cause freudienne, Juin 2OO8.
8 - Lacadée Ph., L’éveil et l’exil, Éditions Cécile Defaut, 2OO7, p. 105.
9 - Lacadée Ph., op. cit, pp 103-114. Cf aussi François Bégaudeau, La petite Girafe, n° 24, p. 128, qui parle de langue orale, cousue au corps faite d’élisions : « j’me sens pas bien », d’où la nécessité de savoir introduire l’écart et le malentendu, car alors on discute.
10 - Lacan J., Séminaire, livre XX, Encore 1972-1973, Seuil,1975, p. 52 .
11 - Rimbaud A., « Je fouaille la langue avec frénésie. » in Œuvre-vie, Arlea,1991, p. 458.
12 - Lacadée, Philippe , Vie éprise de parole, p 188/209

13 - Rimbaud A., « Lettres à Georges Izambard et au cœur supplicié, du 13 et 15 mai 1871 » , op. cit., p. 183.
14 - Ibid., p. 183.
15 - Freud S., « Pour introduire la discussion sur le suicide »,voir dans ce livre.in Addenda :Nouvelle traduction de Fernand Cambon et aussi in Résultats, idées, problèmes, tome I, 1890-1920, PUF, 1984, p 132.
16 - Lacan J., « Mon enseignement, sa nature et ses fins » Mon enseignement., Seuil, octobre 2005, p. 112, repris in « Faire tourner l’usage du sujet », Avant-propos à L’éveil et l’exil, op.cit., pp. 7-13.
17 - Diamant C., op. cit., p. 26.
18 - Lacadée Ph., « La demande de respect : un des noms du symptôme de l’adolescent », Éditions Michèle, 2010, p. 345.
19 - Lacadée, Ph., Vie éprise de parole, op. cit., p. 158.
20 - Lacadée Ph., « Faire ses classes à l’école, » in L’éveil et l’exil, op. cit., p. 154.
21 - Henri C., « Des écorchés », Un professeur sentimental, P.O.L, 2005, p. 29.
22 - Pennac D., Chagrin d’école, Paris, Gallimard, 2007, p. 272.
23 - Lacan J., « Télévision », Autres écrits, Paris, Seuil, Coll. Champ freudien, 2001.
24 - Nous faisons ici référence à notre travail dans le cadre des laboratoires du CIEN
25 - Freud S, « Sur la psychologie du lycéen » (1914),voir in Addenda : Nouvelle traduction de Fernand Cambon et Résultats, Idées, Problèmes, Tome I, PUF, 1984, p. 230.
26 - Rimbaud Arthur, Vagabonds, in Œuvre-vie, Editions du centenaire établie par Alain Borer, Arlea, 1991, p 349
27 - Freud S., « Pour introduire la discussion sur le suicide » (1910), cf Traduction de Fernand Cambon in Addenda.
28 - Freud, S., Pour introduire la discussion sur le suicide, op.cit.
29 - Cf. chapitre 9, « Voile de violence ».
30 - Laurent É., Actes du IIIe Colloque du CIEN.
31 - Bégaudeau F., Entre les murs, Éditions Verticales, Gallimard, janvier 2006, pp. 77-87. Dans ce passage, François Bégaudeau décrit très bien comment en tant que professeur de français, il ne recule pas devant la façon de parler de ses élèves, et ce jusqu’à leur faire front dans l’usage des mots, pour exiger d’eux qu’ils s’expriment de façon correcte même pour dire leur insupportable : « on ne dit pas insulter de pétasses… on dit insulter tout court… ou traiter de… », il procède ainsi jusqu’à ce que ces filles disent, à bout d’arguments, qu’au fond le sens du mot pétasse n’était pas du tout celui du sens commun, d’où le malentendu de cet affrontement. Pour elles, en effet pétasse voulait dire prostituée d’où leur sentiment d’avoir été insultées.
32 - Lacadée Ph., « Des adolescents au collège pas sans leurs professeurs, » in Jusqu’aux rives du Monde, op.cit. pp. 153-186.
33 - Question que pose Farida à son professeur, cf. chapitre 5.
34 - Ibid., p. 47.
35 - Comme on l’a vu dans les deux premiers chapitres.
36 - Walser R., L’institut Benjamenta, Paris, Gallimard , L’Imaginaire. Et voir ce que j’en dis dans Robert Walser. Le promeneur ironique, Nantes, Cécile Defaut, 2011.
37 - Il s’agit de l’expérience du laboratoire de recherche interdisciplinaire du Collége Pierre Sémard à Bobigny : Le Conseil des enseignants, qui s’est déroulé pendant 5 ans ,sous la responsabilité de Joseph Rossetto, Principal du Collège et de Philippe Lacadée, avec Ariane Chottin (psychologue clinicienne et écrivain) et Valérie Guidoux (écrivain qui à chacune des réunions de ce laboratoire a établi des comptes-rendus sans lesquels ce travail n’aurait pu se faire).
C’est de cette expérience que le cinéaste Philippe Troyon a fait un film : Quelle classe, ma classe ! diffusé sur TV5 le 9 Janvier 2007.
38 - Lacadée Ph., « Conversation dans une classe de Quatrième », in Le malentendu de l’enfant, op. cit., pp. 399-411.
39 - Parfois comme en témoigne le livre du CIEN-CRDP Aquitaine, 2008, Comment se faire entendre à l’école ?, des conversations s’organisent aussi dans des temps de classes avec les adolescents en présence de professeur.
40 - Henri C., le cas de Malika. Cf. chapitre 5.
41 - Lacadée Ph., « L’école une chance d’être responsable de ce que l’on y reçoit », in Le malentendu de l’enfant , op., cit., pp. 367-378.
42 - Ibid., p. 97.
43 - Lacan J, Le triomphe de la religion, 1975, Comment faire pour enseigner ce qui ne s’enseigne pas ?, janvier 2005, Seuil , 2005. pp. 69-73.
44 - Lacan , J, Séminaire, livre X, L’angoisse, 1962-1964, Seuil, mai 2004, p. 298.
45 - Ibid., p. 299.
46 - Ibid., p. 299.
47 - Ibid, p. 300.
48 - Lacan J., Mon enseignement, Comment faire pour enseigner ce qui ne s’enseigne pas ?, Seuil , Octobre 2OO5, p. 48.
49 - Lacan J., Le Triomphe de la religion, 1975, op. cit., p. 71.
50 - Meirieu Ph., « Adolescent à l’école : est-ce possible ? », voir chapitre 13.
51 - Wismann H. ibid, p. 299.